en route vers Saint Louis du Sénégal
En route vers st Louis du Sénégal
En quittant le Sine Saloum ( delta du Saloum près de la Gambie), nous décidons d’aller vers le nord près de la frontière avec la Mauritanie. Nous passons par Touba,la ville sainte, ville en grand développement peuplée surtout de mourides.
Les mourides constituent une confrérie développée en Afrique de l’ouest et qui joue un rôle politique économique et social important. Le président actuel du Sénégal, Abdoulaye Wade est mouride. Cette ville est caractérisée par sa grande et luxueuse mosquée, en travaux depuis le début du siècle dernier. Le faste est choquant au milieu d’une population qui a du mal a vivre. Pourtant, nous dit on elle est construite grâce aux dons des fidèles et au bénévolat.
Après des kilomètres de routes fastidieuses, nous décidons de faire une pose dans le désert de Lompoul (:« l’homme peul », les peuls étant une ethnie nomade). C’est un petit désert proche de la mer entre Dakar et Saint louis. A peine arrivés, nous ressentons la quiétude du lieu. L’hébergement se fait sous tentes. Les toilettes en plein air ont un cachet tout particulier. Nous avons l’impression d’avoir tout » débranché » autour de nous, tellement nous ressentons la sérénité de l’endroit. Après une nuit tranquille, nous marchons sur les dunes, au lever du soleil. A user sans modération.
Nous partons vers ce qui fut la capitale du Sénégal à l’époque coloniale, située à l’embouchure du fleuve Sénégal. Celui ci sépare, depuis des accords à l’époque de Léopold Senghor, le Sénégal et la Mauritanie. Nous arrivons en longeant la mer par la partie de la ville appelée Saur où le colonisateur avait repoussé la population locale pour se réserver le deuxième quartier que nous traversons après avoir franchi le pont métallique sur un bras du fleuve. Nous voyons les traces architecturales de cette époque qui s’est terminée en 1960.
Nous arrivons dans la troisième partie de la ville, où nous sommes impatients de voir le port de pêche à l’activité débordante. C’est le lieu qui retient le plus notre attention. Nous entrons dans ce qui apparaît à nos yeux comme un gigantesque bazar.
En premier lieu nous traversons le quartier des habitations de pécheurs. Dans la rue chaotique nous voyons une nuée de petits enfants courir dans tous les sens. Ils sont parmi les chèvres, les ânes, les moutons, les chevaux avec leur remorque, la ferraille en tout genre. Tout le monde semble très occupé, joyeux, propre ou sale, voir en guenilles. Les gravats en tout genre emplissent les rues transversales comme si un tremblement de terre venait d’avoir lieu.
Enfin nous apercevons les pirogues accostées qui libèrent leur charge.
Une dizaine de personnes, à bord de chacune d’elle, remplissent des caisses de poissons que des porteurs, dans l’eau jusqu’au dessus de la taille, attrapent et posent sur leur tête. Chacun part en courant pour vider son contenu 100 mètres plus loin dans des camions réfrigérés, puis revient à la même vitesse. Les poissons qui tombent de la caisse sont récupérés par des femmes et des enfants.
Et puis l’on voit les pirogues vides qui repartent en mer à la queue leu leu avec un équipage de 5 à 15 pêcheurs. Tard le soir, nous voyons ou entendons toujours ces petites embarcations qui peuvent partir pour quelques jours parfois dans des mers dangereuses. La vie à bord est des plus précaires. Seuls les hommes jeunes et en bonne santé peuvent tenir leur place dans de telles conditions.
Tout cet environnement de bord de mer dégage une odeur suffocante. Nous marchons sur des couches de poissons écrasés. Les autochtones marchent en tong ou pieds nus dans cette « bouille à baisse ».
Quelques explications s’imposent à notre compréhension.
Un propriétaire de pirogue passe un accord avec un équipage de pêcheurs selon lequel il met son embarcation à disposition. L’équipe part en mer tenter de remplir sa cargaison. Au retour, le produit de la pêche est divisé en trois: un tiers pour le propriétaire du bateau, un tiers pour les pêcheurs, un tiers pour l’achat de matériel.
La part pour les pêcheurs sert aussi à rémunérer les porteurs qui déchargent la cargaison, lesquels sont payés à la caisse transportée, d’ou la course. Le tiers pour le matériel, est utilisé pour cela mais c’est aussi un peu une caisse de solidarité. Elle peut servir pour un événement comme un mariage, ou des frais imprévus.
Les poissons, récupérés par terre, servent aussi à différents usage. Ils peuvent être vendus, le produit de la vente servant , entre autre , à alimenter des tontines. Ce sont des caisses bien connues en Afrique, auxquelles contribue toute la famille .Puis un tirage au sort est fait périodiquement. Le bénéficiaire peut alors réaliser un projet (création d’un magasin, achat d’un matériel etc…)
Ainsi dans ce qui nous apparaît une grande jungle, on découvre une société très organisée et solidaire.
Il semble que les pêcheurs soient relativement prospères et confiants en l’avenir tant que la mer livre ses poissons en abondance. Cela explique aussi peut être la taille importante des familles.
Nous parcourons les rues de St Louis en calèche, jalonnant les rues sur les traces laissés par nos concitoyens jusqu’au milieu du siècle dernier.
Nous longeons le fleuve Sénégal en direction de Djoudj. Cet espace protégé et marécageux est jumelé avec la Camargue. On y rencontre de nombreux oiseaux migrateurs avec, au centre, un superbe nichoir à pélicans. Environ 350 espèces sont répertoriées.
C’est dans cette région que fut construit un barrage sur le fleuve Sénégal pour bloquer la remontée de l’eau salée et permettre l’extension des cultures notamment les rizières et les cultures maraichères. Des aménagements sont en cours pour réaliser 3 récoltes de riz par an. Suite aux spéculations mondiales sur les prix du riz de 2007 et 2008, le Sénégal, et quelques autres pays d’Afrique, ont pris conscience de la dépendance alimentaire dans laquelle ils se trouvent. Hors il existe des terres fertiles peu exploitées dans certaines régions comme celle où nous nous trouvons. Le gouvernement a décidé de mener le pays à l’indépendance alimentaire. Mais il y a encore du chemin: il manque de matériel pour les récoltes, de camions pour livrer les marchandises à Dakar (de ce fait elles partent vers la Mauritanie en traversant le fleuve Sénégal) etc…
Malheureusement, ce problème que nous évoquons est un peu à l’image de tout le Sénégal. Des volontés s’expriment, des initiatives se prennent mais les freins sont grands tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Il y a encore des chaines à détruire pour libérer les forces qui croient dans la vie. Nous avons rencontré beaucoup de ces forces dans ce pays très attachant.